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Traitements du Trouble des Conduites chez l'adolescent

Psychothérapie


Elle doit être par essence multimodale, pour la complémentarité des approches, pour espérer obtenir des résultats significatifs. Dés lors, elle se doit d’être psychosociale, dans le sens où, comme nous l’avons vu plus haut, l’environnement joue une part égale avec l’intra-individuel dans la construction du trouble des conduites. Tout comme la prévention, elle doit prendre en compte l’enfant bien sûr, mais aussi ses parents et même les enseignants ou toute autre personne significative dans la vie de l’enfant ou de l’adolescent.

L’objectif général de cette prise en charge peut se résumer comme :

• Développer un système de soutien et d’étayage social pour l’ensemble de la famille, pour permettre aux parents et à l’enfant de gérer leurs comportements et leur donner des habiletés dans la résolution de problèmes (suppression des punitions sévères et abusives en faveur de récompenses pour les actions positives pour les parents et accentuation des processus de pensée plutôt que dans l’acte comportemental pour l’enfant).

• Favoriser les contacts de l’enfant présentant un trouble des conduites avec des pairs «prosociaux» ;

• Limiter les contacts de l’enfant présentant un trouble des conduites avec des pairs «antisociaux» ;

• Augmenter le soutien scolaire et les interactions avec les enseignants.


Le traitement qui semble être le plus efficace repose sur la thérapie familiale (« Functional family therapy »). Issue du paradigme systémique, elle propose, dans un court terme et après avoir mis en place une alliance thérapeutique forte, de changer les modalités d’interactions dans la famille et ainsi modifier les processus communicationnels défaillants. Ceux-ci, malgré tous les efforts des parents bien souvent, ne font qu’entretenir le problème. Le thérapeute, par différentes techniques, notamment par la prescription paradoxale, va bouleverser l’organisation familiale souvent construite autour des symptômes, pour qu’elle puisse elle-même se réorganiser sur de meilleures bases, avec d’autres choix à l’horizon.

Les thérapies multisystémiques (Multisystemic therapy), se voulant alors du paradigme écologique, s’appuient sur une évaluation précise des milieux dans lesquels vit et évolue le jeune (famille, établissement scolaire, cercle des copains, voisinage, quartier d’habitation) et de l’interaction de tous ces systèmes pour identifier les facteurs déterminants inhérents aux problèmes. Elle propose les mêmes objectifs que précédemment.

Des centres d’accueil spécialisés ont été construits et proposaient, en regroupant les jeunes qualifiés de « problème » ou « déviants », de remédier aux comportements « perturbateurs ». Malgré leur coût économique élevé comme en moyens matériels, leurs résultats n’ont pas été proportionnels à la hauteur de leurs murs. Et aujourd’hui nous savons que ce même regroupement ne fait qu’augmenter davantage le symptôme. Par un apprentissage et un élargissement de nouveaux comportements violents, par des confrontations répétées avec les pairs violents, le jeune ne se trouve pas en situation de saisir de nouveaux modes de communication positifs. De ce fait, il conserve et étaye ses anciens modes de fonctionnement redondants.

De plus, l’écartement du milieu familial peut devenir comme une signification punitive, pour le jeune tout comme pour la famille, ramenant aux consciences des notions d’incapacités, donc de surenchère d’angoisse, et de contrôle d’état, d’une déresponsabilisation.

Ces résultats décevants ont conduit à développer des programmes de prise en charge à même les familles d’accueil. Ces programmes (Treatment foster care) utilisent « les techniques de guidance parentale, à la fois pour la famille biologique et la famille d’accueil. » (INSERM, 2005)

Enfin, les thérapies s’appliquant spécifiquement à l’enfant (Individually focused interventions) ont pour objectif d’améliorer ses compétences sociales, c’est-à-dire ses aptitudes à la sociabilité.


Traitement médicamenteux


Le traitement pharmacologique du trouble des conduites s’inscrit dans une stratégie globale de prise en charge multimodale, hiérarchisée en fonction des priorités. Il intervient souvent en seconde intention, « marginal » (Zoccolillo, Huard, 1999), sauf situation d’urgence (violence, hétéro- ou auto-agressivité…).

Il n’existe pas de traitement pharmacologique spécifique, a fortiori curatif du trouble des conduites. Ces traitements ont pour l’essentiel une action anti-agressive.

Différentes classes pharmacologiques ont été étudiées dans cette indication, avec les connaissances acquises sur la neurobiologie de l’agressivité et de l’impulsivité, qui impliquent comme nous l’avons vu, les systèmes dopaminergiques, sérotoninergiques et GABAergiques.


Il est important de noter que « moins de dix études concluent à une efficacité des molécules testées dans le trouble des conduites. » (INSERM, 2005)

Globalement, trois grandes classes thérapeutiques ont été évaluées :

· Les antipsychotiques, qui ont une action antagoniste à la fois des récepteurs sérotoninergiques et dopaminergiques. Les données obtenues sont « toutes positives en terme d’efficacité sur l’agressivité, et ces résultats sont étayés par les études en ouvert et rapports de cas. » (INSERM, 2005) Par leur action très rapide, ils sont indiqués dans les situations aiguës et urgentes.

· Les psychostimulants, eux, vont stimuler les fonctions cognitives exécutives. Dés lors, ils vont augmenter les capacités d’inhibition de la personne. Les résultats montrent une certaine efficacité mais sa pathologie visée est surtout le TDAH, en premier lieu.

· Les thymorégulateurs, notamment les sels de lithium, ont quand à eux peu d’intérêts dans le traitement du trouble des conduites de part sa faible efficacité sur les comportements violents mais aussi et surtout par sa faible tolérance physiologique et les risques élevés d’obtenir des effets secondaires graves pour un enfant.


Résultats


L’ensemble des données montre que le programme de thérapie familiale « diminue de façon significative les récidives de comportements antisociaux graves chez les jeunes présentant un trouble des conduites et diminue également la gravité des comportements antisociaux en cas de récidives. Enfin, l’amélioration obtenue est durable, avec des résultats stables observés jusqu’à 5 ans. » (INSERM, 2005)

Dans des études contrôlées, les thérapies multi systémiques ont montré « leur efficacité et la réduction à long terme de l’activité criminelle, des actes violents, des arrestations pour abus de substance ou encore des placements voire des incarcérations chez les jeunes présentant un trouble des conduites. De même, les récidives sont fortement diminuées. » (INSERM, 2005)


Conclusion


Le trouble des conduites est fait de manifestations multiples et diverses. Il est difficile de prétendre être objectif sur une « normalité ». Nous avons alors pour références les normes sociales, la loi et la justice, les principes de citoyenneté ou encore le droit et le devoir de recevoir et de porter assistance à autrui, qui plus est dans un contexte familial.

Le trouble des conduites s’inscrit alors contre ces valeurs et c’est là où il dérange. Sa qualification de « déviant » fait bien appel aux références précédemment citées. Et c’est là justement où il prend tout son sens. Nous avons vu qu’il n’est jamais un acte stérile, sans sémantique, sans message. Il est toujours une communication et même davantage quand le message est non-verbal, alors continue et analogique, alors plein de sens.

Les facteurs étiologiques ne sont pas encore bien connus, tandis que les facteurs de risque apparaissent multiples et de nature diverse. Il est clair qu’il n’existe pas de facteur qui à lui seul puisse prédire ou expliquer pourquoi certains enfants conservent ou adoptent des comportements agressifs et antisociaux.

Les avancées dans le domaine de la neurobiologie et de l’imagerie mentale nous ont permis de faire ressortir cependant des constantes physiologiques dans l’apparition du trouble des conduites. Au-delà de la forte implication phénotypique dans les possibilités de développer un TC, les défaillances dans la région orbito-frontale nous ont permis d’approuver notamment l’influence des fonctions exécutives dans l’inhibition des comportements violents. La recherche en biochimie a révélé le lien entre certains neurotransmetteurs comme la sérotonine, le GABA ou encore la dopamine dans l’expression des comportements problèmes. La place des fonctions cognitives est aussi importante car elles permettent, à travers les capacités qu’elles offrent de représentation mentale, de symbolisation, de modération, d’anticipation ou encore d’organisation, de faire en sorte que la réflexion prendra le pas sur l’agir corporel.

Nous avons cerné, notamment à travers les travaux de Gray, qu’il existe des types particuliers de personnalité, ayant chacune leurs particularités et fonctionnant avec des objectifs et des motivations différentes. La position agressive-dépressive est celle qui semble la plus sensible aux traitements, notamment par sa capacité de ressentir de la culpabilité ou de se questionner sur les conséquences de ses actes. Elle ouvre la porte de la réflexivité en lieu et place où la position antisociale ne le permet pas. Cette deuxième catégorie de personnalité fait figure de condamnations répétées car elle se trouve alors en totale incompatibilité avec les gouvernances de justice et de société. Les tentatives de ces dernières pour remettre les « déviants » dans le « droit chemin » sont infructueuses car alors ne font pas sens, faces aux références personnelles des antisociaux. Ceux-ci sont motivés selon leurs lois, en ignorant tout, car incapables d’empathie, du sentiment de l’autre.

La question de la prédisposition individuelle au trouble des conduites est différente de celle des conditions pouvant conduire un individu prédisposé, à s’engager dans un comportement antisocial. Les facteurs de risques, bien plus intéressants d’un point de vue opératoire, regroupe essentiellement les relations intrafamiliales, alors teintées de dysfonctionnement dans la communication et dans la fonction contenante du parentage.

Les interventions préventives doivent alors se pencher sur ce phénomène de genèse et surtout de maintien du trouble. Les avancées outre-Atlantique dans ce domaine ont permis la mise en place de plusieurs programmes pertinents, dont il apparaît des résultats probants.

Le préventif devra alors s’inscrire devant le curatif qui, malgré les efforts et découvertes cliniques et épistémologiques, se révèle comme plus difficile à mettre en place. Pour cause notamment des difficultés d’obtenir un engagement suffisant de la part de chacun des membres entourant l’enfant.

L’évolution du trouble se fait graduellement. Il serait faut d’avancer qu’un adulte ou même adolescent puisse devenir violent spontanément. De ce fait, il est important de saisir que le comportement ne peut être qualifié de problématique que si et seulement si il est répétitif, c'est-à-dire qu’il s’inscrit dans le temps, dans une continuité. Il prend naissance dans l’enfance et s’installe jusqu’à l’âge adulte.

L’avancée des connaissances permettent d’élaborer des propositions d’action concernant le repérage, le diagnostic, la prise en charge et la prévention de ce trouble. Cependant, des questions demeurent et nécessitent la poursuite des recherches au niveau notamment des interactions entre les facteurs de risque individuels et environnementaux.

Les effets persistants et cumulés des facteurs environnementaux peuvent influer sur les processus cognitifs, le fonctionnement neuroendocrinien (axe du stress en particulier) et l’activité de diverses structures cérébrales.

La plupart des auteurs insistent sur le cumul des facteurs de risque dans la persistance des conduites antisociales du trouble des conduites. Identifier les précurseurs et les facteurs de risque reste une tâche de première importance pour mettre en œuvre des programmes de prévention d’autant que ces facteurs peuvent être présents dès la grossesse. Aussi, les espoirs s’orientent-ils vers un repérage et une intervention précoces.

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